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Le unschooling ou pourquoi mes enfants ne vont pas à l' école (oh la la)

 
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« Mon « grand » pas-si-grand a 4 ans. Sa petite sœur, pas-si-petite, en a 2. Leur petit frère ou sœur arrive en fin d’année. Pour la première fois, l’aîné a fait une « non-rentrée » : après un an de maternelle l’année dernière, nous avons choisi de ne pas le réinscrire pour cette année…

L’ école publique du coin : bof bof…

Pourquoi l’avoir inscrit ? Parce que nous n’y avons pas trop réfléchi, parce que « trois ans ! tu vas commencer l’ école alors ?!! » demandent la boulangère, le facteur, la pharmacienne et la mamie aux chats du trottoir d’en face. Une semaine, deux semaines d’école – je suis dubitative. Je trouve mon garçon tendu, il se met à frapper sa petite sœur, ce qui n’était jamais arrivé auparavant. Et puis « Untel m’a tapé » (une fois deux fois trois fois…), « Maman, moi je vais avoir des cadeaux à Noël parce que je suis SAGE ! » (non, tu auras des cadeaux à Noël parce que nous t’aimons très fort et que c’est chouette de faire plaisir aux personnes que l’on aime), « Maman, c’est vrai que t’étais triste que je mange pas mes carottes râpées à la cantine ? »… L’impression que l’on défaisait à l’ école ce que nous faisions à la maison, tous ces menus apprentissages sur la confiance en soi, en l’autre, sur ce que c’est que la réussite…

Je me suis mise à réfléchir un peu et à me documenter sur le cerveau de l’enfant, sur ce que c’est qu’apprendre. Je ne vais pas vous faire un cours, je ne peux parler qu’avec mon cœur de maman. Je me souviens juste d’une phrase de Tagore, dans le très grand Gora, qui dit en substance (et beaucoup mieux que moi) « administrer une connaissance à quelqu’un qui n’a pas posé de question, c’est comme donner à manger à quelqu’un qui n’a pas faim : on risque l’indigestion ». Mon fils est d’un tempérament que l’on qualifierait de « facile », il déteste le conflit, s’adapte, se débrouille, quitte à ravaler ce qui ne va pas. Alors il n’a pas posé de problème, il découpait quand on lui disait de découper, collait quand on lui disait de coller, grimpait quand on lui disait de grimper (mais sans les chaussures, oh ! on ne l’appelle pas Mowgli pour rien !). C’est juste que ça ne lui apportait pas grand-chose.

Et puis, j’ai été frappée par la violence de l’environnement : trente gamins de trois ans dans la même pièce, toute la journée, avec deux adultes pour gérer tout ça ? Mais quel enfer ! Je plains honnêtement les institutrices, qui font plus de la gestion de masse que de l’enseignement. « Oui, bon, à trois ans, il n’est pas trop question d’enseigner quoi que ce soit non plus », me disais-je au début. Et puis mon fils m’a détrompée : qu’est-ce qu’il peut apprendre comme quantité de choses ! Il est justement à l’âge où il imprime tout ! J’y reviendrai plus tard. Il m’a semblé que cette configuration (une salle, deux adultes, 30 enfants de 3 ans) était anti-pédagogique et anti-naturelle, et certainement pas adaptée pour favoriser le développement de tous ces petits cerveaux en plein éveil.

Le unschooling : l’école de la joie

Là-dessus, nous avons visionné le merveilleux Etre et devenir, documentaire de Clara Bellar faisant un tour de familles dont les enfants n’ont pas été à l’école, et n’ont même pas eu « l’ école à la maison ». Les enfants ont appris à lire seuls, à jouer d’un instrument seuls, ou accompagnés d’un adulte musicien, certains sont devenus ébénistes, compositeurs, économistes. Ils ont intégré le cursus « normal » lorsqu’ils en ont ressenti le besoin : à 12 ans pour celui qui voulait aller au conservatoire, à 15 ans pour celle qui voulait passer le bac, à 20 pour celui qui souhaitait faire une fac de biologie dans un autre pays. Nous avons été fascinés par la liberté de ces enfants et de ces jeunes, passionnés par ce qu’ils font, non pas comme une lubie d’enfant saoulé de surconsommation mais bien comme la passion brûlante d’une intelligence qui a trouvé le lieu où se donner.

Cela m’a paru brusquement très cohérent avec l’émerveillement que suscitais mes enfants (entre autres émotions tellement contradictoires que l’on découvre avec la maternité… mais c’est un autre sujet !), que j’avais mis au monde, qui s’étaient mis à saisir des objets, à se mouvoir, puis à se lever, à marcher, à parler, sans que quiconque ait eu besoin de leur dire « bon, c’est lundi matin, de 10h à 11h c’est cours de marche ! ». Souvent, mes explications tombaient à plat : « Maman, il est où le bébé dans ton ventre ? » « Hé bien, tu vois, dans le ventre des mamans, il y a une poche que l’on appelle l’utérus, et bla bla bla maman-a-raté-sa-vocation-de-sage-femme » : l’enfant décroche dès que ça ne l’intéresse plus ! En revanche, il peut parler d’avions et de trains pendant des heures avec son parrain (qui ne s’en lasse pas, ce qui est rigoureusement impossible avec moi…). Lorsque nous discutons, entre nous ou avec lui, je l’entends souvent répéter en chuchotant le mot nouveau qui lui a frappé l’oreille. Il le replace assez vite après, toujours à propos. Il reconnaît un hélicoptère au bruit, un A400M à l’œil (pour ceux qui comme moi l’ignoraient, il s’agit d’un avion…), parce que ça le passionne.

Depuis des mois, notre fille peut passer plusieurs heures par jour, un livre dans les mains, à raconter l’histoire ou à chanter à tue-tête (au sens propre…) en tournant les pages. Elle commence des jeux de rôle que je n’avais jamais vu faire à son frère : « Bonjou’ madame, tu veux café ? tiens gâteau pour toi ! ». Bref, les acquisitions fascinantes que font tous les enfants entre zéro et trois ans ne s’arrêtent pas brusquement le jour de la rentrée, où l’école viendrait prendre le relais de ces apprentissages stoppés net. Au contraire, j’ai l’impression que si on les laisse faire, la curiosité décolle, s’approfondit, s’enrichit. Alors oui, il faut de la disponibilité, et l’humilité de dire « je ne sais pas, cherchons ensemble » ou « je ne sais pas, mais va demander à Untel, il saura mieux que moi ». Mais c’est passionnant !

Alors nous nous sommes lancés, et il n’y a pas eu de rentrée chez nous cette année. J’ai redécouvert le luxe de ne pas avoir (ou beaucoup moins) d’horaires : le matin, on petit déjeune jusqu’à 9h30, et après maman « travaille » pendant qu’on retourne le salon s’adonne à toutes sortes d’activités. Si on a envie d’aller au parc après, on peut, et on rentre quand on a faim (s’il y a un repas de prêt parce que sinon, mieux vaut rentrer un peu avant quand même…). On peut dormir 2h l’après-midi si maman est enceinte et qu’on a été dîner chez des amis la veille. Si la petite est malade, pas la peine de la réveiller pour aller chercher le grand, celui-ci fait des kaplas en bas, ou raconte à maman une douzième fois les cadeaux qu’il va faire au bébé à sa naissance. Cela doit dépendre des tempéraments, mais pour moi c’est un repos inouï, surtout enceinte : c’est déjà suffisamment compliqué de conjuguer notre rythme à celui de nos enfants, sans en plus rajouter les horaires de l’ école…

Parmi les questions (un peu angoissées) des personnes que nous croisons, il y a bien sûr celle de la sociabilité : « mais t’as pas peur qu’il soit un peu renfermé ? comment tu vas le socialiser ? ». Si, j’ai un peu peur, mais pas de ça – notre mode de vie fait que c’est à moi de les supplier de fermer la porte pour pouvoir dîner tranquille, ils harcèlent la boulangère à coups de « bonjouuuuuuuuuuur ! » en espérant qu’elle entende, ils se pointent devant des grands de 7 ans, les mains dans les poches en balançant un « tu t’appelles comment ? » super naturel, bref je ne m’inquiète pas trop. Je m’inquiète un peu plus du décalage dans les apprentissages lorsqu’ils sont confrontés à d’autres enfants scolarisés, mais je n’ai pas encore assez de recul sur l’expérience.

Ce qui est sûr, c’est que (comme pour le reste), je ne peux pas m’en sortir seule : j’ai besoin du papa qui fait des jeux de construction pendant des heures (y compris sans les enfants, d’ailleurs, mais bref), du parrain qui apporte des magazines d’avion super techniques (et les lit et les commente avec les petits), de la tante qui va coller des gommettes et faire faire de la peinture parce que j’ai horreur de ça, des grand-pères qui va montrer les constellations ou les voitures de courses et des grand-mères qui vont envoyer des comptines en tamoul ou faire des charlottes. J’ai besoin, comme dans ma vie, de toutes ces personnes qui me nourrissent, et nourrissent nos enfants, de choses passionnantes mais que j’ignore. Je compte sur cet entourage pour continuer à nourrir l’intelligence de mes petits, parce que nous ne pouvons pas être les seuls « apprenants » de nos enfants, que ce serait bien réducteur pour eux comme pour nous. Je compte aussi sur les rencontres avec les autres enfants, car quel meilleur pédagogue, pour un enfant de 3 ans, qu’un enfant de 4 ans ? Cela m’oblige à me sortir de ma bulle, de quitter mon écran pour aller rencontrer des vrais gens (au secours !!!), bref, à sortir de ma zone de confort.
Oui, c’est fatigant, c’est un défi, mais enfin, si j’avais voulu rester à faire des démineurs sur mon pc en écoutant les beatles et en fumant des cigarettes, je ne me serais pas mariée et aurais encore moins voulu faire des enfants…

Ma vie à moi dans tout ça : mes enfants ne sont pas des obstacles, ce sont des personnes…

Peut-être que si j’avais eu un métier prenant et passionnant, je n’aurais pas pu faire ce choix. Si j’avais été danseuse à temps plein, si j’avais été sage-femme, chercheuse en géographie, que sais-je… Tout cela ne s’est pas fait, cela ne m’empêche pas de saupoudrer ma vie de tous ces domaines qui me passionnent, parce que je découvre qu’un enfant dont les besoins affectifs sont comblés est beaucoup moins prenant qu’un enfant ‘sevré’ de maman-papa toute la journée et qui déboule à 16h30 comme un furieux pour vider son sac et remplir son réservoir d’amour vite-vite-mais-il-y-a-le-bain-le-dîner-le-coucher. Mais je comprends totalement les personnes dévouées à leur métier et qui ne se sentent pas appelés à le mettre de côté, même partiellement.

À la naissance de mon fils aîné, j’ai vécu ce tourbillon écrasant que vivent la majorité des parents d’aujourd’hui, ainsi formulé pour ma part : « je n’aurais plus jamais de vacances ». Plus jamais de repos, plus jamais de détente : j’aurais toujours la responsabilité de cette personne, toujours à m’occuper de lui avant moi. Mais la bonne nouvelle, c’est que maintenant c’est fait ! Ca y est, c’est accepté, et au-delà de cela, je découvre qu’en fait, je peux faire de ma vie de superbes vacances avec en plus de merveilleux invités sortis tout droit de mon utérus. Je découvre que mes petits de 4 et 2 ans peuvent s’occuper 2h d’affilée pendant que je réponds à des mails pour l’APA, que je prévois ma semaine, fais mes listes de courses, vaque dans la maison. Je découvre que je peux demander à un enfant de 4 ans de ne pas faire de bruit parce que j’ai besoin d’une sieste : 1h30 plus tard, je sens des feuilles me chatouiller le nez et un chuchotement : « Maman, regarde, je t’ai fait des dessins pour te réveiller »… Je me fais souvent des montagnes de tel ou tel rendez-vous « impossible avec les enfants », alors qu’en fait c’est tout à fait possible, il faut juste un peu s’organiser, et leur expliquer… Cela ne demande pas beaucoup plus que l’organisation réclamée par l’école, la crèche ou une nounou, c’est juste une organisation différente de celle que l’on voit partout, il faut s’inventer la sienne propre. Compliqué pour la désorganisée chronique que je suis ! Mais faisable. Et quelle joie de les voir sereins, débrouillards, heureux de vivre. Et moi aussi.

Je n’ai pas envie que mes enfants soient des obstacles à ma vie. Mais je ne veux plus m’épuiser à essayer de continuer ma vie d’avant non plus, en casant mes enfants là où je peux, quand je peux. Je veux vivre MA vie, mais AVEC eux. En poussant un peu les murs qu’il y a dans ma tête, en essayant d’en faire tomber quelques uns, je me rends compte qu’il y a de la place pour une foule de choses passionnantes que je n’aurais jamais soupçonnées avant. Je ne fais pas une croix sur mes rêves de jeune fille, mais j’essaie de laisser la place à ceux qui peuvent naître aujourd’hui : et me voilà à danser place de la République à 6 mois de grossesse avec deux amis incroyables, à accoucher dans mon salon, à passer des vacances avec des personnes au sein d’une association qui s’appelle l’APA… et petit à petit, au fur et à mesure que l’enfant se détache et grandit, le regarder construire sa vie à lui, à côté de la mienne, nos libertés et nos audaces se nourrissant et s’encourageant mutuellement. »

 

Lakshmi Lanoire

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