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Etre femme de militaire, envers et contre tout

 
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« Tu le savais en te mariant ! », « Je ne sais pas comment tu tiens… », « Vos maris ont au moins la sécurité de l’emploi, eux ! », « Il rentre déjà ? C’est passé vite finalement ! »

Les absences s’enchaînent, les réflexions fusent, souvent maladroites. Être femme de militaire, c’est assumer le métier de son mari, envers et contre tout. Accepter que cette passion fasse partie intégrante de la vie familiale. Missions longues, déménagements multiples, gardes ou astreintes le week-end, permissions (et non vacances comme les autres fonctionnaires) rythment le quotidien des familles. Véritable pilier de la maisonnée, la femme de militaire apprend le don de soi. Certains souhaiteraient l’ériger en sainte des temps modernes, mais ce serait vite oublier qu’elle a comme tout le monde des baisses de moral, des moments de doute et de craquage. Comment gère-t-elle les départs ? Se sent-elle seule ? Quelles sont ses astuces au quotidien ? Rencontre avec quelques-unes de ces wonder-women

Un apprentissage sur le tas

Contrairement aux clichés, qui sévissent encore, la femme de militaire n’a pas vu naître sa vocation au berceau ou eu un attrait particulier pour l’uniforme. Marie, 36 ans, raconte ses débuts : « Fille d’agriculteur, je ne connaissais rien de la vie militaire. Jeune mariée, j’ai tout quitté pour suivre mon mari : travail, famille, amis, vie parisienne. Je ne me suis pas posée de questions. Je l’aurais suivi toute ma vie jusqu’au bout du monde ! ». Emmanuelle, 39 ans, confirme : « Moi, je m’étais clairement dit : « Tout sauf un militaire ! » J’étais médecin et ne m’imaginais pas déménager tout le temps ». « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas » philosophait en son temps Pascal. Malgré des yeux brillants d’amour et la ferme intention de tout reconstruire, les débuts sont souvent difficiles…

Marie se souvient : « Une fois arrivée dans une petite ville de province de 40 000 âmes, ne connaissant personne, sans travail et avec un mari régulièrement absent, j’ai éclaté en sanglots au milieu des cartons… La confrontation à la réalité était rude ! Mais petit à petit, pierre après pierre, nous avons construit notre foyer. Pour moi, une femme de militaire n’est pas plus préparée qu’une autre à affronter cette vie particulière. ».

Des sacrifices professionnels

Professeur des écoles, Marie a fait une croix sur sa « carrière », mais pas sur sa vocation d’enseigner. « J’ai tout de suite compris qu’il me faudrait accepter des sacrifices professionnels. A moins de vivre en célibat géographique ou de pouvoir travailler à domicile, il est rare de mener parallèlement deux carrières lorsqu’on est muté tous les deux-trois ans… J’ai donc accepté des remplacements, des mi-temps, et même quelques heures de cours par semaine ! Pour l’heure, je ne regrette pas ce choix important pour ma vie de famille. » Médecin, Emmanuelle opine : « J’ai également choisi de ne pas faire carrière et d’accepter des remplacements à mi-temps pour concilier mon métier de passion avec les besoins de ma famille. Je n’ai eu aucun mal à trouver du travail après chaque déménagement. »

De son côté, Marie-Pierre, 42 ans, assume pleinement son choix de mère au foyer, en dépit des pressions sociales : « Notre projet de vie s’orientait tout naturellement vers une vie de famille « sereine ». Un papa très absent, donc une maman très présente. C’est un choix complètement assumé et épanouissant pour moi ! » En transformant ces contraintes en source d’épanouissement, chacune, libre et profondément amoureuse, donne du sens à ce mode de vie particulier…

Une reine de l’organisation

Avec sept déménagements à son actif en 13 ans de mariage, Marie reconnaît : « Chaque mutation entraîne à la fois une grande adaptation, des sacrifices, mais aussi de grandes joies… une fois les cartons vidés ! »

G.O. de choc

Ayant vécu trois déménagements en sept ans, Julie, 32 ans, explique : « Quand on sait qu’on ne va rester que deux ans dans une ville, on ne traîne pas. L’emménagement est rapide et on se force à aller vers les autres pour les connaître. On apprend à profiter de l’instant présent, car on ne sait jamais de quoi le lendemain sera fait ! Les mutations annoncées peuvent toujours changer… ». Pendant l’absence du mari, il est encore moins question de vivre au ralenti. « Avec les enfants, nous avons un planning bien établi et bien chargé sur toute la durée de l’absence, révèle Marie-Pierre. Cela nous donne des dates butoirs jusqu’à la fin de la mission ».

Marie confirme : « Je me fixe aussi des objectifs et prévois au moins une sortie par week-end avec les enfants : une balade, une exposition, un goûter avec des amis etc. Je les associe à ces petits projets qui permettent d’égayer les week-ends sans papa ».

Une femme « tout-terrain »

Il n’est pas rare que juste après le départ, les dégâts matériels s’enchaînent… Panne de chaudière, démarreur de la voiture qui lâche ou autres problèmes techniques viennent ponctuer le quotidien sans homme et transforment leurs femmes en as de la bricole. Sans oublier les passages aux urgences à cause de pépins de santé inopinés : rhume de hanche, problèmes de dos, cheville foulée… « Cette loi des séries se vérifie à chaque départ en mer ! Entre nous, on l’appelle la loi de l’emmerdement maximum ! », plaisante Adélaïde, femme de marin de 38 ans. Marie-Pierre acquiesce : « Je suis devenue une pro dans le montage de chaîne en pleine tempête de neige, le remplacement de vitre, de chasse d’eau… ». La débrouillardise s’apprend en toutes circonstances !

L’expérience de la solitude

Noël, mariages, anniversaires, achats immobiliers, déménagements, vacances, toutes ont appris à vivre seules certains événements. « La veille du baptême de notre fils, mon mari a été prévenu qu’il devait partir sur le terrain sans date de retour. Nous avons hésité à reporter l’événement, puis nous avons pensé qu’il fallait continuer à vivre. Le prêtre a accepté de décaler la cérémonie au matin pour que mon mari puisse y assister.

La photo à peine prise sur le parvis, il a filé par le premier train, me laissant seule avec toute la famille venue pour l’occasion ! » raconte Inès, 37 ans. Mais quand il s’agit d’un décès ou d’un enterrement, l’absence du conjoint prend une tournure dramatique. Éloigné, le militaire se sent impuissant face à la douleur de sa femme et de ses proches…

L’accouchement seule tant redouté

La femme de militaire redoute également un autre événement : l’accouchement solo. « Au début de notre mariage, mon mari partait au rythme d’une fois par an en OPEX (Opérations Extérieures). Ce qui m’a valu d’accoucher deux fois toute seule pour trois grossesses. Je n’aimerais revivre ces expériences difficiles pour rien au monde ! ».

Emmanuelle se souvient : « Nous ne connaissions pas le sexe du bébé. Mon mari étant injoignable, j’ai prévenu le Colonel de la naissance de notre fils. Grand prince, celui-ci a laissé sa ligne téléphonique pour qu’on puisse se parler. L’après-midi même, avait lieu une offensive militaire baptisée du prénom de notre fils. C’était une belle façon d’associer notre vie familiale à leur vie professionnelle. ».

Des absences répétées et au long cours

Même si la vie se poursuit en dépit des absences, Marie a très mal vécu les premières missions : « Nous avons vécu six départs de 4 à 6 mois. Il y a des périodes que l’on n’oublie pas : mon mari a enchaîné trois missions à la suite, soit 14 mois d’absence sur 18. Et il n’ a eu que trois semaines en France entre les deux premières OPEX, c’était vraiment rude ! J’en ai voulu à l’armée de ne pas lui avoir laissé le choix. J’ai beaucoup pesté, mais finalement les départs se sont plutôt bien déroulés. ».

De même, Marie-Pierre confie : « Sans compter les manœuvres et sentinelles, mon mari est parti huit fois entre 4 à 6 mois pour des OPEX sur des théâtres d’opérations plus ou moins dangereux. Les années passent et je trouve ses absences plus difficiles à gérer. Est-ce moi qui supporte moins bien la solitude ? Ou est-ce le fait de devoir gérer seule des ados qui est moins facile que des petits enfants ? ».

Les coups durs

Une pointe d’inquiétude

Ces longues missions testent les capacités de résistance de chacune. Pratiquant la méthode Coué, Marie répète inlassablement le dicton « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » et s’efforce d’être la plus sereine possible au moment du départ : « C’est important pour mon mari. Je veux qu’il parte sans le souci de ceux qu’il laisse ». Mais cela ne marche pas à chaque fois : « J’ai tout de même été inquiète à deux reprises. Quand il était en Afghanistan, des balles sifflaient via son portable et je l’ai juste entendu dire « je te rappelle plus tard », puis il n’a donné aucune nouvelle pendant une heure… L’attente fut longue ! Et lors d’un départ au Tchad, j’ai appelé la femme de son chef, car je n’avais aucun signe de vie depuis quelques jours. Il ne captait pas dans la « pampa » ! » Pragmatique, Marie-Pierre confie : « Je préfère ne pas y penser pour ne pas avoir à gérer un stress inutile ».

Les baisses de moral

Joyeuse avant tout et pleine de répartie, la femme de militaire se laisse rarement aller. Marie-Pierre avoue : « Pour les baisses de moral, et il y en a, je m’octroie le luxe de faire chauffer la carte bleue ! Rien d’extraordinaire, mais ça fait du bien ! Certains enfants vivent mieux les absences que d’autres. Alors quand l’un a un coup de mou, on se fait un resto, un ciné… Suivant le moment, l’enfant et les envies ! » Après un congé parental doublé d’une longue absence de son mari, Emmanuelle retrouve la sérénité en reprenant un travail : « Je voyais enfin des adultes, ça me manquait ! Même si l’organisation reposait entièrement sur mes épaules, je revivais ! ». Chaque femme de militaire sait qu’elle peut compter sur les autres. Une sorte de réseau se tisse autour d’elle avec des petites attentions régulières.

Toutes pour une, une pour toutes !

La cohésion

L’esprit d’entraide, qui étonne plus d’un « civil », naît de cette somme de solitudes. Chacune partage volontiers ses astuces pour aider les autres. Né en 2012, un groupe Facebook « Chérie, on est mutés, bref on déménage » réunit des femmes de militaires qui échangent leurs bons plans dans chaque ville. Il n’est pas rare de les voir sortir en bandes et de les entendre rire à gorge déployée. Même les femmes, dont le mari est là, restent attentives aux autres. Et n’hésitent pas à inviter leur amie esseulée à déjeuner le dimanche, sachant que ce jour des familles est le plus difficile à vivre. Marie-Pierre sait qu’elle peut compter sur ces précieux soutiens : « J’ai des amies qui font très attention à me téléphoner régulièrement et à passer me voir. C’est toujours rassurant de se sentir entourée ! ».

L’empathie

Dans ces moments de fragilité, les femmes apprennent à se connaître. A découvrir et à comprendre leurs émotions forcément plus exacerbées quand leurs douces moitiés sont en mission. « Il n’y a que les femmes de militaires qui peuvent comprendre à 100% ce que nous vivons vraiment ! » assure Marie. Les masques tombent dans la difficulté et la vérité de chacune jaillit, laissant naître des amitiés indéfectibles.

Le retour tant attendu du guerrier

Un moment de fête

Marie raconte : « Les retours sont des moments inoubliables, magiques et émotionnellement très intenses. La fatigue aidant, j’ai toujours pleuré dans les bras de mon mari… La dernière semaine, nous préparons cette arrivée avec les enfants : banderole de bienvenue, dessins, bons petits plats, décoration de la table soignée. Mon mari rentre généralement avec quelques cadeaux exotiques et tradition familiale oblige, du « Toblerone » et du parfum achetés au Duty free ! ».

Quelques réglages s’imposent

Marie-Pierre observe : « Grâce à Internet, le retour à la maison est moins compliqué. Mon mari a mieux suivi les changements de chacun, donc la réadaptation est plus simple. En revanche, on se fait souvent des films sur le retour idyllique du héros, mais la réalité est souvent tout autre ! Très accaparés par les enfants, il faut savoir s’échapper pour pouvoir se retrouver en couple… C’est essentiel ! » Marie confirme : « Après le moment intense des retrouvailles, nous sommes vite rattrapés par la réalité de la vie, les disputes des enfants, les problèmes d’ordre matériel… Nous nous posons alors tous les deux autour d’un bon dîner pour aborder sans tabou tous ces nœuds qui doivent être déliés au plus vite. Je m’efforce de laisser mon mari reprendre toute sa place de père et me désengage petit à petit après ces quelques mois à gérer seule la maisonnée. »

Pour Marie-Pierre, « les traits communs à toutes les femmes de militaires sont la débrouillardise, l’entraide et l’amour inconditionnel pour leur mari ! ». Véritables battantes face aux nombreux défis du quotidien, elles mènent une vie d’une grande richesse. Quitte à brûler la chandelle par les deux bouts !

Pour aller plus loin :

  • Le Général Jean-Pierre Bosser, chef d’état major de l’Armée de terre (CEMAT), rend un bel hommage aux familles de militaire dans le Figarovox du 25 septembre 2017
  • Femme de marin, la talentueuse Gabrielle Hum s’est amusée à croquer des scènes de la vie quotidienne. Pour découvrir son travail et lui commander une planche, c’est par là.
  • Le joli texte « Et Dieu créa la femme… de militaire » à retrouver là !
  • « Dans le cadre du « plan accompagnement famille » annoncé par le président de la République le 20 juillet 2017 à Istres, qui vise l’amélioration des conditions de vie des militaires et de leurs familles, l’Association Nationale de Femmes de Militaires (ANFEM) invite à témoigner des difficultés vécues par les femmes de militaire. » Ecrire à anfemnat@gmail.com ou à  objet : Concertation de la « base arrière ». De plus amples informations sont disponibles sur la page Nationale de l’ANFEM juste ici !

Laetitia d’Hérouville

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