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Rencontre avec Maud Jan-Ailleret, auteure du livre « Donne-moi des fils ou je meurs »

 
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Rencontre avec Maud Jan-Ailleret, auteure du livre « Donne-moi des fils ou je meurs » aux éditions Grasset. L’auteure traite dans ce livre d’un sujet difficile à aborder et souvent tabou : les fausses-couches et la mort in-utero. Une histoire inspirée de la vie de l’auteure qui a eu des difficultés à avoir des enfants et qui a vécu plusieurs fausses-couches. Elle nous livre toutes les difficultés qu’elle a vécu au quotidien: la maladie génétique, l’handicap, les fausses couches, examens médicaux et la mort. Ce roman est une véritable bouée de secours et une bouffée d’oxygène. Une bouteille lancée à la mer ! « Vous n’êtes pas seuls à vivre cette situation ! On peut s’en sortir même si c’est très difficile ! ».

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Maud, j’ai 37 ans, je suis mariée à Nicolas depuis 12 ans et ensemble, on a 2 petits gars, Martin (8 ans) et Louis (6 ans et demi). J’habite à Fontainebleau, une petite oasis de verdure, depuis quelques années, après avoir longtemps vécu à Paris et plus jeune, à Lille.

Que fais-tu dans la vie ?

Ces dernières semaines, ce qui m’occupe le plus, c’est sans hésiter mon métier d’auteure ! J’ai publié mon premier roman, « Donne-moi des fils ou je meurs » aux Editions Grasset le 2 mai dernier. Nous sommes en pleine promotion et je travaille en parallèle sur un second manuscrit.
A côté de cela, je suis la cofondatrice depuis 5 ans d’une maison d’édition spécialisée en jeux de développement personnel, « les Boîtes de Comm’ « , vous savez ces petites boîtes de jeu qui font du bien en (re)serrant les liens en couple, en famille ou en équipe (www.lesboitesdecomm.com) ?! Enfin, il m’arrive de temps à autre d’animer des séminaires en entreprise sur la communication interpersonnelle, de donner quelques cours à l’université ou d’accompagner des étudiants en coaching.

Comment vous êtes-vous rencontrés avec ton mari ?

Si je vous dis au Monoprix, vous me croyez ? Au détour d’un rayon Vodka (moi qui n’en bois jamais…). Grâce à une amie commune qui était là, nous avons pu engager facilement la discussion… un an plus tard, nous étions mariés ! A l’époque, le slogan de Monoprix, c’était : « Et Monoprix dit oui à toutes vos envies ! »… Je leur ai écrit pour leur raconter… une bouteille de vodka achetée, un mari en prime, le deal est plutôt pas mal, non ?

Ton livre s’appelle « Donne-moi des fils ou je meurs », pourquoi ce nom ? D’où vient-il ?

« Donne-moi des fils ou je meurs », c’est le cri déchirant de Rachel à Jacob dans le Livre de la Genèse de la Bible. « Donne-moi des enfants ou je meurs », c’est ce que hurle à son tour Laure, l’héroïne du livre à son mari Antoine, après plusieurs épisodes de fausses-couches et de morts in utero. Pour elle, le désir de maternité est viscéral et plus fort que tout. Comment être femme sans être mère ? Nous voulions avec mon éditrice un titre percutant, parlant de cette urgence et de cette nécessité à enfanter ; alors celui-ci nous est vite apparu comme une évidence, d’autant que l’héroïne est croyante et qu’elle interpelle à plusieurs reprises Dieu pour lui demander avec inquiétude quel peut bien être son dessein si son désir d’enfanter n’est pas assouvi.

Est-ce que ta maladie génétique est rare ? Qu’est-ce que le corps médical t’a dit concernant les possibilités d’avoir une grossesse ?

Dans le livre, on découvre que Laure est porteuse d’une anomalie génétique qui entraîne beaucoup de fausses-couches. Je suis également porteuse de cette pathologie au nom un peu barbare : une translocation roberstonnienne équilibrée. Il s’agit d’un type peu courant de remaniement chromosomique provoqué par 2 chromosomes particuliers qui fusionnent. En fait, environ 1 nouveau-né sur 1.200 a une translocation robertsonienne. Comme les porteurs sont, pour la plupart, sains et qu’ils ont une durée de vie quasi normale, beaucoup ne découvrent jamais leur remaniement chromosomique. La translocation peut être transmise dans des familles sur plusieurs générations sans que personne ne la découvre. C’est d’ailleurs ce qui a été mon cas ; il n’y a jamais eu beaucoup de naissances aux générations précédentes dans ma famille mais le constat s’était arrêté là.  

Combien de fausses couches as-tu faite ?

J’ai vécu 10 grossesses, j’ai 2 enfants sur terre… Les fausses-couches ont été plus ou moins précoces (entre 10 et 13 semaines) et dans certains cas très douloureux, il a été question de morts in utero, plus tardives. Pour celles-ci, très honnêtement, il n’y a pas de mot pour qualifier ce que l’on vit.

Tu as fait 3 fausses-couches au départ puis finalement tu es tombée enceinte de ton 1er fils, comment as-tu réagi lorsque le corps médical t’a annoncé qu’il n’y aurait plus de soucis pendant ta grossesse ?

Une vague indescriptible de chaleur et de douceur m’a envahie. Tout à coup, je pouvais vivre normalement, l’inquiétude allait enfin me quitter, c’était extraordinaire ! Cependant, pour être très franche, alors que la grossesse s’est merveilleusement bien déroulée une fois l’angoisse des premiers mois passée,  je n’ai été 100% sereine que lorsque j’ai serré mon petit bonhomme dans les bras. Tant qu’il n’était pas physiquement là, devant mes yeux, j’avais peur que la nature me le reprenne.

Quels ont été tes sentiments lorsque tu as pris ton 1er enfant dans les bras ?

C’était fou, j’avais presque du mal à réaliser tellement l’émotion était grande et l’impression d’atteindre un but jusque là inaccessible enfin ressentie. Je me sentais si bien ! Comme enfin réalisée et entendue dans mon désir le plus profond.

Suite à votre parcours, tes liens avec ton mari se sont profondément renforcés ?

Ces dix années de chemin chaotique pour fonder notre famille nous ont effectivement énormément liés. Forcément, dans le chagrin et les difficultés, on est brut, sincère… tellement soi-même avec ses maladresses, ses peurs et son impuissance que l’amour qui nous  unit n’est que pureté et force. Nous avons eu la chance, juste après notre mariage, de partir, sac à dos, effectuer une grande boucle dans le monde, principalement à pied. Durant ce voyage, nous croisions des couples de plein de nationalités différentes qui nous disaient qu’en arpentant ainsi toutes ces routes, main dans la main, juste avec trois fringues et une tente, nous apprenions mieux que jamais à nous connaître. C’est sûr. Pour autant, je crois que ce sont surtout cette maternité contrariée et la perte de nos petits qui nous ont plus que jamais soudés. Et puis, quand on pleure un peu trop, on savoure encore plus le goût du sourire et du rire ! Mon mari a toujours su cultiver les instants de joie et de fou rire au sein de notre couple, même en pleine tempête.

Et l’entourage ? Comment réagissais-tu auprès de ton entourage ? Et eux ? Annonçais-tu tes fausses couches à tes proches ou est-ce que tu n’en parlais plus car cela devenait trop tabou pour toi ?

Concernant l’entourage, c’est un vrai sujet. Pour eux autant que pour moi, c’était délicat. C’est compliqué d’avoir la bonne attitude lorsqu’on souffre ou que l’on est face à quelqu’un qui souffre. Finalement, hormis des gestes, des paroles bien pesées, un baiser plus accentué sur une joue ou une épaule tendue pour s’y blottir, on n’a pas grand chose à offrir ou à dire. Pour mes grossesses, il est vrai que j’en parlais assez tardivement, surtout par peur de contrarier le destin alors que j’étais obnubilée nuit et jour par ce qu’il se passait en moi ! J’ai toujours regardé avec beaucoup d’étonnement mais aussi, je dois bien l’avouer, jalousie, toutes ces filles de mon entourage qui annonçaient leur grossesse au bout de quelques jours et qui étaient si sereines. Comme si tout n’était qu’évidence et facilité.
La seule chose que je m’autoriserai à dire à ceux qui entourent des femmes qui traversent des épreuves comme celles que nous avons pu vivre, c’est d’arrêter, au moins devant elles, de parler des désagréments de leur grossesse ou de celle de leur femme. Il faut cesser de considérer une grossesse comme un dû. Enfin, stop aux questions : « alors ce deuxième, c’est pour quand ? », « rappelle-moi, il a quel âge ton petit dernier ? », « arrête de penser à ta carrière, pense à faire des enfants ! »… Personne ne sait ce qu’il se cache derrière un sourire de circonstance. Non, toutes les femmes ne sont pas égales via-à-vis de la maternité. Donner la vie relève d’un mystère presque entier.

Que dirais-tu à une maman qui vit ou a vécu des fausses couches ?

C’est terrible car on pourrait me dire, tu as 2 beaux enfants, donc c’est facile pour toi de parler ! Oui, c’est vrai en partie. Mais après la naissance de notre second fils, nous désirions plus que tout agrandir encore notre famille. Et nous avons vécu l’enfer, avec non pas des fausses-couches mais des morts in utero d’enfants touchés par la translocation et qui n’étaient pas viables. Nous avons vécu à ce moment-là pour la première fois la médicalisation à haute dose. Après avoir eu nos deux enfants conçus naturellement et surmonté à nouveau des fausses-couches et plusieurs morts in utero, nous avons cherché d’autres moyens pour pouvoir vivre une grossesse jusqu’au bout. Finalement, nous n’avons cessé que de vivre des deuils. Donc j’ai gagné en partie mais mon vécu de maternité ne s’est pas arrêté sur une note positive. Et cela est encore douloureux aujourd’hui. J’aurais tellement voulu que l’aventure se finisse bien ! Je voulais tant agrandir ma famille que je me suis engagée dans un combat plus fort que tout, j’étais obstinée, butée, j’aurais tout donné pour avoir ce troisième. En réalité, je crois que je n’acceptais pas mon impuissance. La vie est une étrange alchimie de lutte et de résilience. Il m’a fallu un bon nombre de claques pour réellement m’en apercevoir. Étonnamment, une fois qu’on l’a compris (autant dans sa tête que dans son corps), ça va beaucoup mieux. J’ai déjà deux petits miracles, arrivés, qui plus est, naturellement au milieu de tout ce chaos. Désormais, pour le reste, on laisse la vie nous conduire vers ce que nous avons à vivre… aucune projection, on vit jour après jour et on essaie de profiter au maximum de ce que l’on a déjà !

Cela peut sembler dur, voire impossible lorsqu’on est en plein dans la tourmente. Mais lorsqu’on commence à s’ouvrir aux autres sur ce sujet, on se rend compte qu’on est loin d’être seuls. Et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle je parle aujourd’hui et que j’ai écrit ce livre. Il est temps qu’on prenne la mesure de ce type d’événements dans la vie d’un couple ou d’une famille. Il y a des associations qui font un travail merveilleux (je pense notamment à Agapa  (https://association-agapa.fr/)  , ou le très joli événément « Une fleur, une vie »( https://unefleurunevie.org/)) qui peuvent faire beaucoup de bien et apaiser un peu les parents endeuillés. Des petites actions symboliques ou rites initiatiques peuvent également favoriser l’apaisement. De notre côté par exemple, nous avons décidé de donner des prénoms à nos enfants du ciel et d’aller déposer des plaques à leur effigie dans une grotte pour enfants « non nés » à la Sainte Beaume. (https://www.saintebaume.org/grotte/chemin-consolation/). Toutes les femmes ayant vécu des fausses-couches, morts in utero, IMG, IVG, qu’elles soient croyantes ou non, peuvent trouver un peu de consolation dans cet endroit plein de quiétude.

Après, je dirai qu’il faut s’écouter et accepter qu’on ne soit pas parfaite. On a le droit d’être en révolte, envieuse, de ne pas avoir envie de voir tel couple d’amis parce que leur bonheur nous éclate trop à la figure. Si ce sont de vrais amis, ils seront toujours là ! Et autorisons-nous à laisser couler les larmes ; ça nettoie les larmes, c’est la vie qui continue de jaillir et qui s’exprime ! Et puis, lorsqu’on s’autorise à accueillir ses émotions et qu’on arrête de se révolter contre son impuissance, on se sent mieux. Croyez-moi, pour moi, c’était un parcours du combattant ! Il m’a fallu plus de dix ans et c’est loin encore d’être fini. Heureusement que j’ai un mari à mes côtés résilient et plus prompt à accepter les choses que moi. Oui, notre famille n’est pas exactement celle que nous nous étions projetée mais c’est ainsi !

Enfin, dernier petit conseil : faites ce que vous aimez, faites-vous du bien. Ne vous vous faites pas de mal supplémentaire sous prétexte que vous n’arrivez pas à donner la vie, c’est déjà terriblement dur ce que vous vivez ! Une maternité contrariée peut poser la question de ses autres désirs et d’une certaine façon, cela peut être un super accélérateur pour aller de l’avant et faire de belles choses. J’ai croisé un paquet de femmes qui ont changé de vie professionnelle, qui se sont lancées dans des aventures extraordinaires alors qu’elles n’arrivaient pas à enfanter ; elles sont mes héroïnes. A ma petite échelle, que ce soit le lancement dans l’entrepreneuriat avec les Boîtes de Comm’ ou l’écriture de mon livre (je caressais depuis toute petite le rêve de devenir écrivain mais on ne prend jamais assez au sérieux ce genre de rêve par peur d’échouer), je crois pouvoir dire… que j’ai accouché de moi-même… un moi avec plein de forces mais aussi un paquet d’imperfections et de finitudes, un moi maman, épouse mais pas que, un moi qui a son petit bout de route à faire sur cette terre, sans forcément tout comprendre !

Pour acheter le livre : « Donne-moi des fils ou je meurs », rendez-vous ici . 

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