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Maternité, Ambition, Travail : Regards croisés de trois générations de femmes

 
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Nous avons rencontré Bénédicte, Virginie et Jeanne, trois femmes de la même famille, la grand-mère, la mère et la fille. Elles sont devenues mère à des époques très différentes et ont accepté de nous donner leur vision de la maternité et de la place de la femme dans la société, avec le regard personnel de leur expérience et de leur génération.

Bénédicte et son mari ont eu 5 enfants, 17 petits-enfants, et ils ont bientôt 2 arrière-petits-enfants.

Virginie, l’aînée de leurs enfants, a eu 2 enfants, dont Jeanne, aujourd’hui 24 ans et qui a elle-même une petite fille, Armance, âgée de 16 mois. Jeanne attend son deuxième enfant pour le mois de janvier.

 

Parlez-nous un peu du contexte dans lequel vous êtes devenues maman :

 

Bénédicte : Quand Virginie est née, en 1971, j’avais alors tout juste 23 ans. A cette époque, c’était normal pour une femme de se marier jeune et d’avoir des enfants dans la foulée. Ça ne choquait personne, c’était la suite logique des choses.

J’ai arrêté de travailler quand je me suis mariée. J’avais commencé des études d’orthophonie mais cela ne me plaisait pas. Je voulais avant tout fondé une famille équilibrée et heureuse. Je n’avais pas particulièrement d’ambition professionnelle. C’est donc tout naturellement que j’ai quitté mes études pour suivre mon mari, qui était alors militaire. Il fallait bien que je le suive dans les nombreux déménagements que nous allions avoir. De plus, mon mari ne souhaitait pas que je travaille. Nous voulions des enfants, donc il fallait que je reste à la maison pour m’occuper d’eux. C’est ce que je souhaitais aussi. C’était alors tout à fait normal et bien vu pour une femme, surtout une femme de militaire, d’arrêter de travailler quand elle se mariait, encore plus quand elle avait des enfants par la suite.

Virginie : Quand Jeanne est née, en 1994, j’avais, comme ma mère, tout juste 23 ans. C’était déjà considéré comme jeune, mais ça l’est encore plus aujourd’hui, J’ai subi des réflexions parce que j’étais très jeune, on me disait que je ne pourrais pas profiter de ma jeunesse, de la vie. Mais, avec mon mari, nous étions très soutenus par nos familles.

Avant de me marier, je faisais des études de droit pour être magistrat. Quand j’ai rencontré mon mari, il voulait être militaire, et être magistrat n’était pas compatible avec la vie de femme de militaire. J’ai donc commencé un contrat de qualification (alternance) pour être assistante de direction. Cette décision a été prise à deux. C’est une discussion que nous avons eue lorsque nous étions fiancés. Quand je suis tombée enceinte, nous avons, toujours à deux, décidé que je ne travaillerais plus. Cette décision a été très facile à prendre car je n’aimais pas mon travail d’assistante de direction. De plus nous allions partir vivre en Allemagne, donc il me fallait quitter mon travail pour suivre mon mari.

A l’époque, c’était encore assez entendu qu’une femme arrête de travailler pour suivre son mari. Les gens comprenaient mon choix. De plus, contrairement à l’époque de nos parents, c’étaient des décisions prises en couple, et pas uniquement la volonté du mari.

Je me suis remise à travailler il y a sept ans, mes enfants étaient déjà grands, le plus jeune rentrait en 6e.

Jeanne : Comme ma grand-mère et ma mère je suis devenue maman jeune, à 23 ans. Je n’ai pas eu trop de réflexion à ce sujet-là, mais on m’a parfois reprochée de m’être mariée très jeune (j’avais 21 ans). Pour mon entourage, le fait que nous ayons un enfant faisait partie de la suite normale des choses. Je suis conseillère principale d’éducation dans un collège public. J’ai d’abord pris un congé maternité puis j’ai repris mon travail à mi-temps pendant une année. Aujourd’hui j’ai repris à temps plein.

Au moment de me marier, j’avais mes études en tête en premier. J’ai réussi mon concours trois semaines avant notre mariage. Mais il fallait que je termine mes études avant d’avoir des enfants. Je suis tombée enceinte un an après notre mariage, comme planifié. Aujourd’hui on se dit qu’on va laisser davantage faire les choses et moins planifier. Rien ne m’empêche de faire une pause dans mon travail plus tard, mais pour l’instant je veux continuer à travailler.

 

Comment avez-vous appréhendé votre maternité ? Subissiez-vous une certaine pression de la part de votre entourage et de la société ?

 

Bénédicte : A l’époque on ne se posait pas autant de question qu’aujourd’hui. J’ai trouvé cela génial de devenir maman, même si ça allait un peu vite. C’était naturel, c’était dans l’ordre des choses. Il n’y avait pas autant cette notion de planning. Les femmes enceintes n’étaient pas autant suivies que de nos jours. Les échographies n’existaient pas, je ne savais pas où j’allais accoucher un mois avant mon accouchement mais je ne m’affolais pas. On a pas mal déménagé pendant ma grossesse et ça ne posait pas de problème.

Certaines personnes dans mon entourage trouvaient dommage que je n’ai pas de métier. Mais il y avait beaucoup moins de femmes qui travaillaient. Quel que soit le milieu d’où on venait se marier et avoir des enfants était une logique ancrée dans les mentalités.

Virginie : J’étais très heureuse, c’était le cours des choses, le cours de la vie. Nous étions jeunes et nous avions cette inconscience de la jeunesse face à cette aventure de plus dans laquelle se lancer. Je n’ai pas senti de pression particulière. Nous étions soutenus par nos familles.

Jeanne : Je ne suis pas naturellement stressée ou angoissée, et tout s’est très bien passé. J’ai reçu un excellent suivi au long de ma grossesse, et j’ai été bien accompagnée par ma famille, mon mari. Ce que j’appréhendais le plus c’était de reprendre le travail. Je trouve que la société, et les médias en particulier, nous vend la grossesse et la maternité comme un rêve, cela doit être forcément du bonheur. Et paradoxalement, les gens, surtout dans le milieu professionnel ne font pas attention aux femmes enceintes. On nous parle de notre enfant comme un miracle, un enfant roi qui va venir, et en même temps on nous demande de ne pas parler de notre vie de mère.

 

Aujourd’hui on entend beaucoup parler du mythe de la maman parfaite : on nous demande de nous occuper de nos enfants comme si on ne travaillait pas, et en même temps d’avoir une carrière professionnelle comme si nous n’avions pas d’enfant. Qu’en pensez-vous ?

 

Bénédicte : Dans les années 70, les femmes travaillaient plus par utilité, par besoin. Celles qui restaient à la maison étaient celles qui accompagnaient les sorties scolaires, allaient aux réunions de l’école… On trouvait cela dommage que des femmes soient obligés de travailler et manquent tout cela. Elles-mêmes étaient souvent désolées de devoir travailler.

Plus tard, dans les années 80, est né un vent de critique des mères au foyer, comme si elles étaient feignantes, incultes ou inutiles. Or, moi-même j’étais très épanouie comme cela, et je faisais beaucoup d’activités hors de chez moi, comme beaucoup d’autres femmes au foyer. Une fois mon boulot de maîtresse de maison terminé, je sortais et je m’occupais.

J’admire les femmes qui travaillent car elles font tout à la fois, mais je trouve cela presque dommage. Pour ma part, j’ai adoré avoir mes enfants à déjeuner tous les jours à la maison, par exemple. Je trouve ça dommage, mais si maintenant elles préfèrent travailler, tant mieux pour elles si elles s’épanouissent. Je me sens un peu dépassée par tout cela, car les mentalités étaient complètement différentes à l’époque.

Virginie : Quand les enfants ont commencé à grandir j’ai senti le changement de mentalité par rapport à cela. On ne comprenait pas que la maman reste au foyer. Il fallait avoir un projet de carrière professionnelle. En ne travaillant pas, j’étais déjà regardée de travers. Je faisais beaucoup de bénévolats donc j’avais une activité sociale, et je prouvais que j’étais utile à la société au-delà de mon foyer. On avait, déjà à l’époque, beaucoup besoin de prouver notre indépendance par rapport aux hommes, par rapport notamment à leur compte bancaire. Je devais prouver mon intelligence et mon utilité. Mon mari était assez admiratif parce que j’étais bien dans ma tête et que je n’avais pas de regrets. Il était très reconnaissant pour ce que je faisais. Le regard du mari sur sa femme change tout. Il faut savoir la mettre à l’aise dans la société malgré le fait qu’elle reste à la maison.

J’ai vécu les deux situations. La première année de ma reprise de boulot je me suis ennuyé, j’ai trouvé cela monotone. J’étais bien plus à l’aise à la maison, et à faire du bénévolat. Je voyais beaucoup plus de monde. J’ai eu l’impression de perdre ma liberté.

J’étais d’abord assistante maternelle et j’ai été témoin de la grande difficulté de laisser son enfant toute la journée à quelqu’un d’autre. Les études montrent qu’un enfant est fusionnel avec sa mère jusqu’à 4 à 6 ans, et je trouve qu’il peut y avoir un manque d’équilibre chez les enfants dont les mamans travaillent. Je ne juge absolument pas ces mamans car je sais aussi que cela peut être une question d’équilibre personnel et d’épanouissement.  Mais j’ai vu aussi des enfants qui étaient en grand manque d’affection parce que leur maman travaillait. Une maman qui rentre tard le soir, épuisée et la tête dans son travail, comment peut-elle encore tenir pour ses enfants ? Je pense que c’est une vraie question à poser, et à discuter en famille. Je reste aussi convaincue qu’une maman épanouie donne des enfants épanouis.

Quand ma fille Jeanne travaillait à mi-temps je la voyais épanouie dans son rôle de femme et de mère, maintenant qu’elle a repris à plein temps, j’espère que cela va bien se passer. Elle va devoir trouver un équilibre entre son épanouissement personnel et celui de ses enfants.

Il est donc vrai que la société occidentale d’aujourd’hui ne facilite pas toujours cet équilibre pour les femmes. C’est aussi au mari de soutenir sa femme dans cette recherche d’équilibre. La femme, trop en quête d’indépendance, doit souvent se débrouiller seule. Il faut être femme parfaite, épouse parfaite, mère parfaite et parfaite au boulot. C’est impossible.

Jeanne : Je ressens vraiment cette pression à mon travail d’être parfaite en tout. Mais j’ai beaucoup de soutien de la part de mon entourage. J’ai l’habitude qu’on me trouve jeune pour être mariée, pour être maman et pour faire le travail que je fais. Je me suis toujours sentie décalée par rapport aux normes sociales. Je n’ai aucun scrupule à mettre mon rôle de mère d’abord, je ne me gêne pas pour ne pas participer à certaines réunions, par exemple dont les horaires ne se calent pas avec ma vie de maman. On ne me le reproche pas pour l’instant.

Je ne m’interdis pas de prendre un congé parental pour la suite, quand j’aurai d’autres enfants. Etant fonctionnaire je peux plus facilement reprendre après une pause. Mais j’aime concilier les deux. Je m’épanouie dans cette dualité, particulièrement l’an dernier quand j’étais à mi-temps. Il y avait un véritable équilibre entre mon travail et ma vie de maman. C’est plus difficile à plein temps.

J’admire les mamans qui restent à la maison. J’échange beaucoup avec ma mère sur le sujet. C’est un questionnement qui revient souvent quand on est maman. Ma mère trouve que c’est mieux d’être à la maison, c’est ce qu’elle a fait jusqu’à ce que je sois au lycée.

Mais j’ai été élevée dans l’optique d’une carrière professionnelle. Il y a vraie ambivalence à ce sujet, car on ne peut pas demander à la fois de réussir professionnellement de rester à la maison pour ses enfants. Mes grands-parents et mes parents m’ont beaucoup poussé à faire des grandes études et à avoir une carrière, donc ils ne vont pas me demander de tout arrêter.

Au cours des quarante dernières années, la place de la femme dans la société a beaucoup évolué, et le féminisme a pris une place de plus en plus grande. Quel est votre regard là-dessus ?

Bénédicte : Dans les années 70, les femmes étaient surtout à la maison. Un homme n’en faisaient pas autant à la maison qu’aujourd’hui. Un homme ne donnait jamais le biberon, ou ne changeait jamais les couches des bébés. C’était naturel, c’était comme ça. La nouvelle vague de féminisme commençait mais cela restait très marginal. Mon mari m’a toujours beaucoup aidé, car il est adorable, mais ce n’était pas la norme. Il était affectueux avec les enfants mais ce n’était pas acquis qu’il aide à la cuisine ou pour le linge. Chacun avait son boulot. Aujourd’hui je trouve cela sympa que les hommes s’impliquent plus dans la vie de la famille. Je trouve extraordinaire tout ce que font mes fils et mes gendres.

Virginie : Dans les années 90 on commençait à en entendre parler du féminisme, mais timidement. On parlait plus de l’équilibre de la femme. Il fallait qu’elle travaille. En effet, à cette époque, il y a eu un développement du loisir et des vacances, et donc il fallait toujours plus d’argent. La femme devenait une source d’argent en plus pour payer ces loisirs. On parlait plus de cela que du féminisme. Pour la génération de mes parents, partir en vacances ou louer un gite était inenvisageable. Même si on avait des moyens on les mettait dans la vie quotidienne ou dans l’éducation, mais pas dans les loisirs.

Jeanne : Aujourd’hui c’est vrai que le féminisme est omniprésent. On demande beaucoup de choses à la femme, il faut qu’elle soit tout à la fois. Je suis d’accord avec la défense de la femme pour qu’elle soit respectée. En revanche pour ce qui est de la revendication d’une égalité parfaite entre les hommes et les femmes, je ne suis pas d’accord. Il faudrait qu’on reconnaisse que les femmes puissent s’épanouir en tant que femme et en tant que mère. Il faudrait que la société prenne en compte que nous sommes des femmes et que la maternité fait partie de nous.

Qu’avez-vous reçu des votre mère ou grand -mère et que vous avez transmis à vos filles et petites-filles ?

 

Bénédicte : Ma grand-mère avait ce principe-là : « Ne pas crier, ne pas tarder, ne pas céder ». C’est ce que j’ai gardé lorsque j’ai élevé mes enfants. Ma mère, elle, nous a appris à dominer nos états d’âme, et à être de bonne humeur et joyeux. Il est important aussi d’élever ses enfants dans la foi et avec beaucoup d’amour. Il ne faut pas avoir de préférence dans ses enfants, ni dans ses petits-enfants. On les aime tous de la même façon.

C’est aussi très important pour mon mari et moi d’avoir une famille unie. Nous faisons tout pour nos enfants et nos petits-enfants. Et nous sommes une famille soudée, tout le monde est toujours heureux de se revoir. Il faut que les générations futures continuent cet esprit-là, mais toujours avec une unité de vie.

Virginie : Mes parents se sont toujours donnés pour nous, malgré les difficultés de la vie. Ils nous accueillent toujours à bras ouverts chez eux. Pour moi ce sont des saints. Ce que je retiendrais surtout comme valeurs, que je transmets à mes enfants, c’est de transmettre l’amour dans la joie. La foi est très présente chez nous, et est la base de notre unité familiale, c’est donc en même temps l’amour de Dieu que l’on se donne les uns aux autres.

Ce que ma mère m’a également laissé en héritage c’est de se sentir bien dans sa tête, être bien avec mes enfants, leur donner tout l’amour idéal pour toute la journée, et être présent pour eux, surtout à l’adolescence. Plus jeune, j’ai eu un équilibre de vie super, mon mari aussi de son côté et on a vraiment souhaité transmettre cela à nos enfants.

J’échange beaucoup avec Jeanne sur la maternité. C’est une habitude que j’ai reçu de ma mère et de ma grand-mère. Il n’y a pas de maternité parfaite et d’éducation idéale mais il est important d’échanger et surtout de se former, de s’éduquer à la maternité et à l’éducation.

Jeanne : En termes d’éducation j’ai beaucoup échangé sur ces questions-là avec ma mère, c’est aussi pour cela que je fais ce métier, car l’éducation des enfants me questionne et m’intéresse beaucoup. Nous avons reçu évidemment beaucoup de valeurs chrétiennes, dont l’importance d’une famille unie et soudée. Ce sont des valeurs partagées avec mon mari et que j’aimerais transmettre à mes enfants.

 

Merci à toutes les trois de nous avoir partagé vos magnifiques témoignages sur vos vies de femmes et de mères.

 

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